Comment prévenir les addictions à l’alcool ? La Haute autorité de santé partage ses pistes de travail

06/05/2022

 

La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié une note de cadrage de ses travaux relatifs à l’accompagnement de la consommation d’alcool par les professionnels de santé pour 2022-2023. Ceux-ci s’inscrivent « en cohérence avec l’objectif de renforcement de la lutte contre les dommages liés à l’alcool prôné par le plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 par le biais de la prévention, du repérage systématique et de la réduction des risques et des dommages. » Une note qui dresse d’ores et déjà des constats clairs en matière de sensibilisation et d’accompagnement, et fixe les priorités pour les années à venir.

 

Sommaire

 

 

L’alcool, 2ème cause de décès évitable en France

 

Avec une estimation de 43 millions de consommateurs, l’alcool est la substance psychoactive la plus consommée en France. Sa consommation excessive est la source de maux affectant la personne dans toutes ses dimensions (somatique, psychique, affective, sociale, économique).

Responsable directement ou indirectement de plus de 45 000 décès annuels en France, l’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable et la seconde cause de cancer lié au mode de vie, après le tabac.

D’après le baromètre santé 2020 de Santé Publique France, près d’une personne adulte sur quatre (23,7%) âgée de 18 à 75 ans a une consommation allant au-delà des repères de consommation recommandés 1.

 

Prévention et prise en charge demeurent insuffisants en France

 

Selon la HAS, les marges de progression en matière de détection et d’accompagnement sont élevées. Elle constate ainsi :

  • Une faible précocité de la prévention et du dépistage de la consommation d’alcool à risque
  • Une moindre mobilisation des professionnels des soins primaires, par manque de temps ou de formation
  • Une forte réticence ou un manque de réceptivité des consommateurs dues, pour certains, à l’isolement social
  • Un sous-diagnostic important, y compris chez les personnes à haut risque
  • Un manque d’outils, qui conduit à une moindre efficacité des actions entreprises
  • Une difficulté d’accès aux soins : seules 10% des personnes présentant un trouble grave ou une dépendance à l’alcool parviennent à accéder aux soins spécialisés (contre 55% pour la dépression)
  • Un retard de soins et d’accompagnement à la réduction de la consommation d’alcool pouvant atteindre plusieurs décennies (20 à 30 ans).

 

Un plan de lutte concentré sur le repérage précoce et la réduction des risques et dommages

 

Le plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 préconise le renforcement de la lutte contre les complications liées à l’alcool, en s’appuyant sur 3 leviers :

  • « Renforcer la prévention via la systématisation de l’information, de la sensibilisation ainsi que du repérage et de l’intervention précoce »
  • « Améliorer la prise en charge en construisant un « parcours de santé alcool » sur la base d’un premier recours consolidé et d’une offre de soins spécialisés mieux structurée »
  • « Confirmer le rôle pivot des professionnels de premier recours dans le repérage, l’accompagnement, le suivi ainsi que l’orientation spécialisée éventuelle en cas de situation le justifiant ». 

 

Ces préconisations impliquent de :

  •  « Généraliser la prévention et systématiser le repérage précoce avec interventions brèves »

Selon la Haute Autorité de Santé, la priorité va à la réduction de la consommation à l’échelle nationale et à la déclinaison d’interventions en amont de la dépendance. Pour cela, le grand public doit être tenu informé des risques liés à la consommation d’alcool, avec une attention particulière pour les populations vulnérables (jeunes, femmes en âge de procréer). Pour limiter la morbi-mortalité (cumul de la morbidité et de la mortalité), la Haute autorité rappelle qu’il est essentiel de renforcer le repérage systématique et précoce de la consommation d’alcool.

 

  • « Construire un « parcours alcool » accessible à tous, individualisable et évolutif au gré des variations des modalités de consommation »

Pour la HAS, « un parcours alcool ne s’arrête pas au repérage ». Il implique d’envisager ce parcours de façon large pour répondre à un enjeu de santé publique susceptible de toucher une part élevée de la population générale. Pour cela, il y a lieu de veiller à « s’adapter à tous types d’usages et de publics », mais aussi « d’inclure tout professionnel susceptible d’effectuer du repérage, de l’information, du conseil, de l’intervention, des soins, de l’accompagnement, du suivi ». Enfin, cette prise en charge doit être pluridisciplinaire, permettre la coopération des acteurs du secteur sanitaire, social, associatif, et favoriser les passerelles ville/hôpital.

 

  • « Déployer une dynamique globale de réduction des risques et des dommages »

L’objectif est de favoriser :

  • La sortie de l’usage lorsque cela est possible et souhaité par l’usager 
  • Un changement d’usage (par une réduction de consommation) 
  • La maîtrise et le contrôle de la consommation (en vue de retrouver une autonomie fonctionnelle et sociale). 

Cet accompagnement « à la carte » permet au patient d’être acteur de son parcours, et contribue à réduire le renoncement ainsi que les réactions défensives.

 

  • « Porter une attention particulière aux populations spécifiques »

Certaines populations sont particulièrement vulnérables. C’est le cas des femmes en âge de procréer et des enfants et adolescents de moins de 18 ans, pour qui il y a lieu de mettre en place un processus de sensibilisation adapté.

 

Une feuille de route qui s’appuie sur l’ensemble des professionnels de santé

 

Dans le cadre de ses travaux dédiés pour 2022-2023, la Haute autorité de santé se fixe les objectifs prioritaires suivants :

  • Améliorer le niveau d’information et de compréhension du grand public sur la dangerosité de l’alcool et des dispositifs d’aide à la maîtrise de la consommation
  • Améliorer le parcours d’accès aux soins par l’orientation, des conseils et une meilleure individualisation 
  • Faire reculer l’âge de la première expérimentation ainsi que la fréquence et la quantité de consommation 
  • Réduire les conduites de consommation problématiques et la dépendance (réduction de la morbi-mortalité). 

 

Elle s’appuie pour cela sur la coopération étroite des professionnels de santé, et préconise notamment les actions suivantes :

  • Impliquer systématiquement les professionnels de premier recours 
  • Accompagner les professionnels (formation continue, soutien spécifique) dans la pratique de routines de réduction des risques et des dommages 
  • Renforcer l’organisation des soins et de l’accompagnement pour améliorer la qualité de vie des patients et du suivi professionnel, avec des orientations adaptées en fonction des besoins.

 

Pour cela, la HAS publiera, dans le courant de l’année prochaine, des documents-ressources destinés aux professionnels de santé « sur le repérage systématique, la réduction des risques et des dommages liés à l’alcool et les diverses modalités d’intervention, d’accompagnement et éventuelles orientations, en précisant les différents acteurs, structures et leurs articulations dans le cadre d’une organisation sanitaire et sociale adaptable aux spécificités de chaque territoire ».

 

Les infirmiers, au cœur de la stratégie de prévention et d’accompagnement

 

Les infirmiers sont des acteurs-clés du dépistage et de l’accompagnement de la pathologie, que ce soit en service d’addictologie en établissement, ou en libéral puisqu’ils rentrent au domicile des patients.

Pour se former ou continuer à se former, Santé Publique France met à disposition des ressources pour les professionnels de santé (données de santé, vidéos, documents de prévention etc.) :

Alcool – Santé publique France (santepubliquefrance.fr)

 

Sources :

https://www.has-sante.fr/jcms/p_3326877/fr/comment-reperer-et-accompagner-les-consommations-d-alcool-note-de-cadrage

Plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022

 

Pour aller plus loin :

https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/addictions/article/l-addiction-a-l-alcool

https://www.alcool-info-service.fr/

 


1 Avant 65 ans : il est recommandé de ne pas dépasser10 verres d'alcool (10g) par semaine, maximum, dans la limite de 2 verres par jour, et il est fortement recommandé de mettre en place des jours sans consommation dans la semaine.

Après 65 ans : il est recommandé de ne pas dépasser 1 verre standard par jour et de respecter des jours sans consommation au cours de la semaine pour un consommateur quotidien. Pour un consommateur occasionnel, il est recommandé de ne pas dépasser 2 verres par occasion, d’avoir minimum 2 jours sans consommation dans la semaine, et de ne pas dépasser 7 verres par semaine.